[Mélanges de littérature]

Voici une chronique parue pour la première fois sur le journal en ligne Le journal d’AlmaSoror
Cette chronique se propose d’offrir au lecteur un choix de livres lui permettant des voyages dans le temps, dans l’espace ou dans les idées grâce à un principe : lire simultanément des livres aux points de vue différents, d’époques variées, avec comme objectif de construire son propre regard sur le monde.

Lire :

1) Rome, Naples et Florence par Stendhal (1826), Gallimard Folio, 1987.

2) Pour l’Italie par Jean-François Revel (1958), éditions René Julliard, 1958.

3) Crépuscule sur l’Italie par D.H.Lawrence (écrit en 1916), traduit de l’anglais par André Belamich, Gallimard, 1954.

4) Promenades Etrusques par D.H.Lawrence (écrit en 1932), traduit de l’anglais par Thérèse Aubray, Gallimard, 1949.

5) Sardaigne et Méditerranée par D.H.Lawrence (écrit en 1921), traduit de l’anglais par André Belamich, Gallimard, 1958.


Le voyage en Italie est une tradition. J’ai voulu le faire, moi aussi. Mais le temps m’a manqué. Je me suis résolue à voyager autour de ma chambre grâce aux récits de quelques écrivains.
J’ai bien sûr choisi dans ma bibliothèque Rome, Naples et Florence de Stendhal dont je gardais un bon souvenir. Puis Pour l’Italie de Jean François Revel dont je me souvenais de quelques phrases à l’emporte-pièce. Mais je n’ai pu choisir parmi les trois livres relatant les voyages méditerranéens de D. H. Lawrence : Sardaigne et Méditerranée, Promenades étrusques et Crépuscule sur l’Italie. Ce sont mes préférés.
À la lecture de ces trois auteurs, le sentiment qui domine est celui-ci : pour ces trois hommes, leur intérêt pour l’Italie s’efface à certains moments devant le sort fait aux Italiennes. Sur deux siècles, les contraintes qui pèsent sur elles s’aggravent en sens inverse de la libération des mœurs. De légères au début du XIX° siècle, les Italiennes deviennent des êtres affolés de leur destinée au milieu du XX° siècle. Du début à la fin, l’humain de sexe masculin est l’alpha et l’oméga de leur vie, la condition de leur existence.

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Dans son récit Rome, Naples et Florence, Stendhal désire rompre avec les écrivains qui l’ont précédé et qui, dit-il, ne décrivent que des ruines. C’est la société italienne qu’il veut peindre, mais pas n’importe quelle société, celle des bourgeois, celle de la bourgeoisie montante.
Il note alors que “Le ridicule, pour une jolie femme en ce pays-ci, c’est de ne pas avoir de tendre engagement…On dit, en haussant les épaules : “è una sciocca” (c’est une oie), et les jeunes gens la laissent se morfondre sur sa banquette”. Une Italienne, selon lui, se doit d’être légère. Sans cette condition, tous la fuient.

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Un siècle et demi plus tard, Jean François Revel réside quelque temps en Italie et écrit, en 1958, Pour l’Italie. La situation des femmes ne s’est pas améliorée. Son héroïne explique qu’une femme qui n’est pas mariée n’existe pas. À l’attention tendre et étonnée de Stendhal devant cette même condition féminine, succède la brutalité et la vulgarité des propos de Jean François Revel sur les rapports des femmes italiennes avec les hommes, son mépris arrogant pour leur personne (“Une Italienne est toujours ja
louse d’une cour que vous devriez lui faire en vain, et qu’elle sous-entend que vous lui faites, même quand vous ne jetez jamais les yeux sur elle”
).

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Le laid, le souffrant DH Lawrence fait preuve, au contraire d’une grande sensibilité aux conditions de vie des êtres humains qu’il rencontre en ce début du XX° siècle. Ce sont les hommes autant que les femmes qu’il décrit. Comme les deux autres écrivains, il décrit cette même contrainte qui sévit sur les esprits et sur les corps, ces relations difficiles entre hommes et femmes. Il s’en émeut. Loin de les mépriser ou de porter des jugements durs sur eux, il les comprend, il analyse leur âme, il a confiance en leur possible rédemption. Il les respecte.

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Au lecteur déconfit par les relations humaines, il reste, de ces cinq livres, les paysages, les musées et les ruines. On s’y promène finalement avec délices.

Sara

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